Night Demon

Dans l’histoire du Metal, le nom de Ventura (Californie) est associé à Cirith Ungol, groupe auquel la ville sert de fief. Ce combo américain des 1980’s est emblématique du retour en grâce du Heavy traditionnel dans les années 2010 puisque sa redécouverte et sa postérité tardive en ont fait un objet de culte pour des nouvelles générations de mélomanes. Alors quand on se situe à l’avant-garde du revival metallique – ou de la New Wave of Traditional Heavy Metal, venir de Ventura s’apparente à un heureux présage : c’est le cas de Night Demon, trio parrainé par toutes les gloires de la NWOBHM ou du Heavy US, auxquelles il a rendu hommage par de multiples covers disséminées ci et là (voir la compilation Year of the Demon, 2022)

À cause d’une production au rythme irrégulier, Night Demon en est seulement à son troisième album studio, et l’on sait que celui-ci compte dans une carrière en ce qu’il démontre (ou non) la capacité d’un groupe à s’installer dans le temps. Cela explique sûrement le choix du concept-album, dont le récit horrifique a été imaginé par leur chanteur et bassiste, sorte d’hommage à la série B dont la pochette rend parfaitement compte. Il y aura donc un "Prelude", aux mélodies magistrales bercées par une couleur très eighties, et une longue pièce en guise de final, "The Wrath" qui, durant sept minutes, regarde vers Iced Earth pour sa modernité épique, ses mélodies de guitare et son glissement vers le Power Metal véloce, quand il  ne s’agit pas de passages munis d’arpèges intenses ou de stoner-doom au chant rauque.

Entre les deux, s’insèrent des chapitres fidèles à la tradition Heavy. Le tube potentiel qu’est "Outsider" mêle Dead Lord (les pré-refrains) et Enforcer, et impose le gimmick du pont doom à l’annonce du solo. Le trapu mais non moins excellent "Rebirth" sort du même chaudron qui sert au répertoire des guerriers de Visigoth et Grand Magus, auquel un final doom à la Cirith Ungol aurait été ajouté. Plus facile mais efficace, "Escape from Beyond" joue la carte connue du contraste entre un riff bourrin et un refrain en arpèges, puis lance une nouvelle accélération martelée pour le chorus – Iron Maiden demeure une référence, en témoigne également l’introduction du plus direct (et thrash) "Obsidian". Ce dernier est relativement court mais parvient à changer d’ambiance dans sa dernière partie (le rythme s’alourdit, le solo est sinueux devant des claviers 70’s) : l’un des talents de Night Demon est d’associer de nombreuses esthétiques différentes au sein d’un résultat cohérent. Ainsi, "Beyond the Grave", un mid-tempo profond et varié qui rappelle Metallica, surprend par son chant indie-rock, comme l’introduction d’"A Wake" possède un petit côté Red Hot Chili Peppers (jusqu’à ce qu’interviennent le riff typé Deep Purple et le chorus enlevé).

Fort de multiples références assemblées avec brio, Outsider confirme le statut de Night Demon comme une valeur sûre qui, à l’image d’Enforcer (pour prendre une autre figure pionnière de la scène), nous gratifie cette année de l’un des meilleurs albums de la NWOTHM.

À écouter : "Rebirth", "The Wrath", "Beyond the Grave"