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New Order : trente-cinq ans de règne sur les dancefloors


Collectif, le 08/10/2015

Low-Life


Mai 1985


Low-Life réalise un paradoxe assez saisissant. Il s’agit en effet de l’album le plus considéré, le plus réputé de New Order, celui par lequel le quatuor de Manchester a réellement réussi à percer dans les charts et dans les coeurs, mais c’est pourtant l’un de leurs disques les moins intéressants et surtout celui qui a le plus mal vieilli. Ce qui ne veut bien évidemment pas dire qu’il ne mérite pas le détour…


Flashback. En 1985, New Order est déjà un groupe bien implanté dans l’underground anglais et qui jouit d’une flatteuse réputation auprès de ses aficionados. Le fer de lance de Factory Records fait office de locomotive pour le label indépendant et draine dans son sillage une kyrielle de jeunes formations qui viennent s’adonner à des joutes musicales au sein de l’Haçienda, le célèbre club mancunien détenu par les quatre membres de l’Ordre Nouveau. Électrons libres, les anglais ont d’ores et déjà confirmé leur statut de groupe culte en devenir en ayant réussi à s’émanciper de l’encombrant cercueil de Joy Division grâce à un Power, Corruption & Lies de haute volée. Ce qui ne les empêche pas de cultiver un certain goût du mystère (ils ne donnent pour ainsi dire aucune interview et acceptent très peu de se faire photographier) et une image distante et parfois froide. Leurs sets, à l’Haçienda comme ailleurs, sont souvent expédiés en moins d’une heure et ne comportent aucun rappel. Autre tic de New Order, une tendance déroutante à ne pas inclure leurs singles dans leurs album. Si “Blue Monday” et dans une moindre mesure “Temptation” sont caractéristiques de cette attitude à l’époque de Power, Corruption & Lies, et avant cela “Ceremony”, “Procession” et “Everything Gone Green” durant la période Movement, la cadence ne faiblit pas avec les sorties successives de “Confusion”, “Thieves Like Us” et “Murder”, trois titres qui semblent entériner le virage électronique bien amorcé par le groupe sur leur précédent album studio, le premier avec ses percussions stroboscopiques et le second avec ses emblématiques habillages de synthétiseurs. Mais à ce stade, Sumner, Hook, Gilbert et Morris n’ont pas encore réussi à véritablement toucher le grand public.


Le déclic vient lorsque New Order se met en exergue d’épouser l’air du temps, à savoir la new wave - c’est à dire, soyons précis, la synth-pop britannique - dans ce qu’elle a de plus iconique. On considère souvent les mancuniens comme l’un des groupes fondateurs de ce mouvement caractéristique du son eighties, mais c’est seulement à moitié exact. Lorsque le tournant “Blue Monday” est amorcé, nombre de jeunes formations anglaises, OMD, Visage, Duran Duran et Depeche Mode, ont déjà commencé à se faire une place sous les spotlights et ont entériné les codes sonores de la pop à synthé. L’influence de NO s’est faite sur eux de façon lointaine via leur passé post-punk. Mais qu’à cela ne tienne, le carré de Manchester veut envisager cette mouvance à sa manière, c’est-à-dire sans abandonner totalement la formule rock du trio guitare basse batterie - même si ce schéma traditionnel se voit de plus en plus malmené - et en y instillant leur personnalité, leur désarroi à eux. Pour parachever cette mue et essayer de toucher un nombre plus significatif d’auditeurs, ils acceptent d’inclure - enfin ! - un single dans leur futur album. Ce fameux single, c’est “The Perfect Kiss” qui, osons l’affirmer, est certainement encore aujourd’hui le morceau le plus connu des mancuniens. On y retiendra surtout les effets stéréos très appuyés des precussions, le jeu de basse sautillant et enflammé de Peter Hook qui verse ici dans les aigus les plus extrêmes de sa quatre cordes et les plages synthétiques offrant une coloration très 80’s à l’ensemble, une coloration qui n’a presque plus rien à voir avec le post-punk. Le souffle du titre ne passe certainement pas par la boite à rythme stéréotypée de Morris, mais plus par les arpèges de guitare d’un Sumner qui, sur le plan vocal, s’accroche aux canons anglo-saxons de l’époque (médiums surjoués et légèrement faux) et qui se cherche encore. Moyennant quoi, “The Perfect Kiss” est un morceau efficace, quintessentiel de la new wave, et le public anglais ne s’y est pas trompé.


Low-Life possède au moins un avantage, c’est de ne pas vraiment posséder de morceaux faibles. Homogène, constant, l’album se laisse écouter agréablement du début à la fin tout en ménageant tout de même une certaine variété d’un morceau à l’autre. Mais c’est un disque clairement moins remuant que le précédent, moins entêtant et qui, pour le coup, n’a absolument rien de révolutionnaire. Du synthé, il y en a beaucoup ici, à commencer par “This Time Of Night”, où les vagues successives de claviers conquièrent l’espace sonore en vue de donner la réplique à des cordes qui, elles, sont nettement en retrait, avec toujours ce binaire informatique et ces claquements de mains qui ont un côté un peu horripilant sur les bords. Mais la formule a le mérite de fonctionner, peut-être grâce aux effets stroboscopiques des arrangements graves. Autre morceau de choix, l’instrumental “Elegia” qui, pour le coup, verse plus dans le Mike Oldfield hébété et légèrement inquiétant et qui tire profits de la couleur cristalline de ses claviers et de ses effets de choeurs bien dosés. Et bien sûr, on ne pourra omettre l’autre gros morceau de l’album, “Sub-Culture”, encore très marqué par la décennie et la new wave. Une boucle d’arpège judicieuse qui sait se faire omniprésente, une mélodie sympathique, une voix de basse du plus bel effet : là encore, ça fonctionne.


Ça fonctionne, mais force est de constater que ces morceaux ont pris un très gros coup de vieux. Ce constat ne se vérifie pas autant sur le reste du disque, notamment dès que le rock refait surface. On le retrouve d’entrée de jeu sur “Love Vigilantes” qui réalise un beau contraste entre une mélodie plutôt joyeuse et des paroles infiniment tristes (“I want to see my family / My wife and childs waiting for me / I’ve got to go home, I feel so alone, you see”). Tout sonne juste, d’un Sumner qui y met ses tripes à des instrumentistes qui jouent le jeu de la solarité derrière laquelle pointe tension et douleur. Autre (très) bon moment, l’enlevé et agité “Sunrise” où l’on voit resurgir brièvement le spectre de la cold wave, les guitares glaciales et dissonantes de Sumner, la basse magistrale de Hook (quelle formidable ligne de quatre cordes), la batterie organique pugnace de Morris, et le tout avec le tempo et l’attitude. Dommage que Bernie le chanteur y singe Robert Smith dans ses affectations, ce qui donne à ce morceau une teinte Curesque un peu trop marquée. On pourra aussi citer la bonne surprise finale, l’enjoué “Face Up” qui cristallise l’un des traits instrumentaux propres à New Order, une basse aiguë qui participe à l'allant mélodique tandis que l’usage habituel de l’instrument se voit relayé par des suites de notes graves au claviers. Ici, Sumner manque de s’asphyxier pour tenir la dragée hautes à des synthés qui assurent la rythmique et le swing. Dernière pièce du puzzle à aborder, "Sooner Than You Think" se distingue par un tempo tranquille et un joli dialogue entre claviers et basse, dialogue que la guitare vient encore enrichir. C’est sur ce genre de titres où toutes les tendances de New Order se retrouvent que l’on apprécie le plus la patte du groupe.


Low-Life est donc un album qui, bien que marqué par son époque, bien que faisant montre d’un net déficit en personnalité, bien que conçu pour plaire et pour élargir la fan-base du groupe, mérite d’être découvert. On lui préférera néanmoins sans trop d’arrière pensées son bouillonnant prédécesseur Power, Corruption & Lies mais aussi le plus schizophrène Brotherhood qui voit le quatuor de Manchester durcir à nouveau son son, retrouver la pugnacité de ses racines cold wave et surtout, surtout, relancer enfin son processus créatif et sa machine à trouvailles sonores, cette fameuse machine qui fait de New Order un groupe aussi influent qu’essentiel et qui, sur ce troisième album studio, tourne clairement au ralenti.


Nicolas


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