Pink Floyd, from discovery to immersion
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Introduction
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- Remasterisation et coffret intégrale, troisième match (ou plus si affinité)
- Why Pink Floyd? Part one : looking for a masterpiece
- Why Pink Floyd? Part two : exploring the dark side
- Why Pink Floyd? Part three : the spirit never dies
- Interview : Roger Waters, le mur et le miroir
- Psychédéliques sixities : psychédélires et psychédélices (première partie)
- Psychédéliques sixities : psychédélires et psychédélices (deuxième partie)
- Psychédéliques sixties : psychédélires et psychédélices (troisième partie)
- Les héritiers de Pink Anderson et Floyd Council
- Dix bonnes raisons d'écouter Pink Floyd en 2011
- By the way, which one's Pink?
- Echoes from the past
- More Pink Floyd
Why Pink Floyd? Part two : exploring the dark side
L'illusion du best-of comme solution au problème
Retour à la case départ : est-il vraiment judicieux de se farcir la totalité de cette imposante mais très inégale discographie ? Ne pourrait-on pas, par exemple, piocher dans des morceaux choisis et rigoureusement sélectionnés ? C'est là, en théorie, le rôle d'un best-of et, malgré tout le respect que l'on doit à un groupe de la stature de Pink Floyd, le réduire à ses pièces maîtresses pourrait se révéler la solution idéale pour en explorer les facettes les plus essentielles. Cette attitude hautement hérétique se heurte néanmoins, une fois encore, à l'obstacle des versions sorties dans le commerce - avec en ligne de mire le tout récent A Foot In The Floor, the best of Pink Floyd. Aucune des compilations existantes n'est à même de proposer l'exhaustivité des pièces maîtresses de la formation, aucune. Si les trois monolithes floydiens (Dark Side, Wish You Were Here et The Wall) sont toujours largement représentés, si Syd Barrett a en général droit a son petit lot de consolation ("Arnold Layne" et "See Emily Play" sont parfois intégrés dans les tracklists), rien ne ressort de particulièrement significatif de la période pré Dark Side. On notera néanmoins, en 1983, un essai un peu aventureux de best-of plus psychédélique avec Works qui liste des pièces peu connues de Meddle, Obscured By Clouds ou A Saucerful Of Secrets... mais même dans ce cas, on est loin d'un survol peu ou prou exhaustif du panel floydien. Le cahier des charges d'un véritable best-of utopique du groupe devrait au minimum contenir quatre disques compacts au sein desquels on retrouverait une grosse moitié de Piper (dont les versions étendues d'"Astronomy Domine" et "Interstellar Overdrive") ainsi que les singles de la période Barrett, les versions studio ou live de "Set The Controls For The Heart Of The Sun", "Carefull With That Axe, Eugene" et "A Saucerful Of Secrets", "Atom Heart Mother" (malgré son imperfection, l'ampleur et l'originalité de la pièce s'imposant sans peine), "Echoes", "One Of These Days", les trois - quatre meilleurs morceaux de More et Obscured By Clouds, un vaste échantillon de titres des quatre albums successfull (et notamment au moins un morceau d'Animals, pourquoi pas "Dogs"), mais aussi quelques pièces des années 80-90, notamment le très bon (objectivement parlant) "High Hopes" et le combo "Learning To Fly" - "On The Turning Away". Autant vous prévenir tout de suite qu'un tel objet ne verra jamais le jour.
Quand l'esprit prend le pas sur le résultat
L'affaire semble donc entendue : tenter d'analyser la matière de Pink Floyd sous le seul angle de la qualité finale se révèle une entreprise totalement vaine. Pour bien comprendre le caractère hors norme d'un tel édifice, il nous faut sortir de réflexes de consommateurs habitués à l'instantanéité du mp3 pour nous installer dans une vision plus globale, aussi bien musicale que conceptuelle, technologique et sociétale. Il nous faut replacer chaque disque dans son histoire, en décrypter les moments clé, les errements et les triomphes, non pas à l'aune de leur réussite formelle, mais à celle de leur portée quasi-prophétique dans le contexte des années 60-70. Il nous faut envisager la "culture Pink Floyd" non comme une culture du résultat, mais comme une philosophie, une façon de concevoir le rock et la pop selon le prisme de la progression, de l'inventivité, de l'expérimentation et de la liberté. C'est dans cette perspective seule que l'exploration chronologique de l’œuvre floydienne prend tout son sens, une perspective qui prend avant tout en compte le fait que Pink Floyd représente un accident sans équivalent dans l'histoire de la musique. Cet accident tient autant aux événements - la défection du frontman Syd Barrett qui laisse un groupe orphelin, sans tête pensante ni ligne directrice - qu'aux personnalités impliquées dans l'édification du mythe - quatre hommes différents mais complémentaires, mus par un objectif commun : explorer encore et toujours de nouvelles façons d'écrire, de façonner, d'enregistrer et de diffuser la musique du vingt-et-unième siècle. C'est dans cet état d'esprit que l'on peut comprendre l'enthousiasme inégalable des initiés qui ont suivi le cheminement aventureux de ce quartet démocratique, entité quadricéphale équilibrée et anonymisée au sein de laquelle chaque individualité s'effaçait derrière le but recherché. Replacé dans son cadre, les écoutes de Piper, premières éclaboussures d'un génie de la pop culture qui ne demandait qu'à mûrir et à irradier plus encore, prennent une tournure aussi hallucinée que dramatique. Dans son contexte d'incertitude, d'urgence et de lutte pour la survie, le contenu bigarré et ténébreux de Saucerful luit d'un éclat bien différent et bien plus émouvant. Allons plus loin : le Floyd aurait-il commis ce curieux OVNI qu'est Ummagumma, moitié live hypnotique, moitié démonstrations solistes vaines, s'il n'avait ressenti avant toute chose cette volonté de prouver au monde (et à lui-même) qu'il possédait une existence autant crédible que légitime ? Atom Heart Mother aurait-il vu le jour sans cette envie de confrontation stérile face aux autres tenants de l'avant-gardisme musical de l'époque, les Yes, Genesis et autres ELP ? Puis les interrogations laissent place au paroxysme : après tous ces essais parfois concluants, souvent infructueux, quelle satisfaction inouïe que celle d'écouter "Echoes", synthèse accidentelle (là encore) mais accomplie d'un groupe en perpétuelle ébullition créative, satisfaction magnifiée encore d'avantage par les autres explorations moins abouties de Meddle ! Quelle jouissance que l'écoute et la vision du Live At Pompeii, œuvre quasi mystique où les quatre musiciens, tels des demi-dieux romains en transe extatique, récapitulent et magnifient leurs plus beaux joyaux ! Quel choc que la découverte, a posteriori, de la perfection faite disque qu'est The Dark Side Of The Moon, fruit inestimable de si longues années de recherches conceptuelles, artistiques et technologiques !
Cette mise en abîme de l’œuvre floydienne reste tout aussi valable lors de sa lente descente aux enfers, lorsque le drame humain se mêle intimement au produit musical. Ainsi, l'appréciation de Wish You Were Here se voit fortement amplifiée à l'aune de la résignation d'un groupe qui avait déjà prophétisé sa propre fin plusieurs années à l'avance, résignation qui fait place à l'ultime sursaut d'orgueil et de colère d'une forteresse assiégée par toute l'intelligentsia du rock n' roll, Animals, éructation bestiale face aux attaques de ceux, punks et rock critics, qui désignaient Pink Floyd tel l'Antéchrist suprême. Ces deux disques s'estiment également de manière incomparablement plus juste en les mettant en perspective avec la lente prise de contrôle d'un Roger Waters qui a préféré pervertir l'esprit floydien plutôt que de le voir sombrer sans combat, et ce tout en se rapportant sans cesse, dans ses textes, de façon à la fois ironique et totalement hors de propos, à la figure de proue que fut Syd Barrett. A ce titre, The Wall se place déjà au delà de toute volonté testamentaire, l'album se posant comme la simple mise en application d'une ambition dévorante même si cette ambition reste encore au service d'une volonté de transcendance musicale. Quant à l'agonie du Floyd, quelque pathétique qu'elle puisse paraître, elle garde finalement un intérêt non négligeable pour peu que l'on accepte le décès du collectif Floydien et sa pseudo-résurrection, sous trois formes bien distinctes, dans le seul but de satisfaire les instincts les plus vils : mégalomanie aveugle pour The Final Cut, orgueil et amour propre meurtri pour A Momentary Lapse Of Reason, fantasme d'immortalité confronté au prisme pécunier pour The Division Bell. Car au sein de ces trois disques bâtards jaillissent encore, ça et là, quelques fulgurances proches du génie originel que même les plus retors à ces mascarades musicales seront à même de dénicher et d'apprécier.