Pink Floyd, from discovery to immersion
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Introduction
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- Remasterisation et coffret intégrale, troisième match (ou plus si affinité)
- Why Pink Floyd? Part one : looking for a masterpiece
- Why Pink Floyd? Part two : exploring the dark side
- Why Pink Floyd? Part three : the spirit never dies
- Interview : Roger Waters, le mur et le miroir
- Psychédéliques sixities : psychédélires et psychédélices (première partie)
- Psychédéliques sixities : psychédélires et psychédélices (deuxième partie)
- Psychédéliques sixties : psychédélires et psychédélices (troisième partie)
- Les héritiers de Pink Anderson et Floyd Council
- Dix bonnes raisons d'écouter Pink Floyd en 2011
- By the way, which one's Pink?
- Echoes from the past
- More Pink Floyd
Interview : Roger Waters, le mur et le miroir
En l'an 2000, Roger Waters était venu présenter la sortie D.V.D. du film d'Alan Parker tiré de "son" album avec le Floyd, The Wall. Il avait pu aborder certaines thématiques que son œuvre abordait d'un point de vue personnel et psychologique, existentiel et philosophique ou politique dans sa définition la plus large. Dix ans après, il en est bon nombre de ces interrogations qui gardent leur pertinence ne serait-ce que par l'acuité visionnaire dont faisait preuve l'intéressé. Propos recueillis par ClaudeQue pensez-vous de cette œuvre plus de vingt ans après
The Wall a souvent été perçu comme étant l'exposé d'une Vision du Monde ! Ça ne l'a jamais été, les problèmes que je soulève sont liés aux relations inter-personnelles entre les gens et les aspects politiques n'en sont qu'une conséquence.
Le thème de l'Aliénation est-il alors uniquement lié chez vous à une lecture psychologique?
Depuis Freud, on s'est efforcé de décrypter le psychologie humaine mais on n'a pas encore réussi à briser le cycle de l'aliénation que nous nous transmettons génération après génération dans la manière dont nous élevons nos enfants. C'est cela qui les conduit à voir le monde de cette façon.
Votre insistance à mettre en scène un père absent et une mère castratrice se voulait-elle une référence aux travaux de Freud justement?
À l'époque, ça n'avait rien d'académique ou d'intellectuel. Je ne faisais que raconter ma propre histoire de façon plus ou moins autobiographique. Il y avait la guerre et ma mère avait une personnalité pour le moins pénétrante.
Cela a-t-il eu un effet thérapeutique pour vous?
Je n'en étais pas conscient. À l'époque je n'avais pas encore suivi une analyse. Je pense néanmoins que cet exercice a été cathartique pour moi.
On a souvent établi un parallèle entre The Wall et le Mur de Berlin: pensez-vous que ce soit pertinent?
C'était aussi une allégorie. Quand le mur s'écroule, cela symbolise un effondrement émotionnel lié aux éléments conflictuels à l'intérieur même du personnage. Il y a son Moi conscient, son Surmoi qui le tenaille et cette explosion entraîne une mise à nu de la personnalité.
Selon vous la chute du Mur de Berlin a-t-elle alors mis à nu l'essence du conflit entre Capitalisme et Communisme?
Je ne suis pas certain que quelque chose de fondamental ait été exposé à ce moment-là. Je crois que tout a été obscurci par cette notion que l'économie de marché avait triomphé et que la compétition l'avait emporté sur la coopération. Cette dernière était un élément positif des idées marxistes. Il y a donc également un va-et-vient entre optimisme et accablement parce qu'il y a en permanence un bouleversement et une dialectique dans la dissémination de l'information. C'est à la fois excitant et nébuleux : regardez ce demi-dieu qu'est internet ; je crois qu'il ne fait, en matière d'informations, que permettre à la religion de la consommation de proliférer. En même temps, ça pourrait s'avérer être son talon d'Achille dans la mesure où cette prolifération expose aussi la vacuité d'une notion qui implique que produire et consommer sont des réponses satisfaisantes pour notre civilisation. Le Dieu de la Consommation s'est peut-être bien tiré une balle dans le pied en se montrant si efficace. On peut espérer que le réseau permettra aux gens de se connecter et de se rapprocher de manières inédites jusqu'à présent. Cela bouleversera les idéologies, les fanatismes, bref les murs.
Dans The Wall, ça semble rester une chimère…
Oui, et ça pourrait bien le demeurer!
Y voyez-vous une analogie avec Tommy?
Il y a dedans certaines chansons que je trouve fantastique mais je n'ai jamais accroché à Tommy en tant que concept. Ceci dit l'histoire en est toutefois similaire.
Pour en revenir à Dieu, quand, sur "Nobody Home", vous disiez "j'ai un don de deuxième vue", est-ce un clin d’œil par rapport au statut de superstar, puissant et vide à la fois, et aussi une référence au surhomme nazi tel qu'il apparaît à un moment?
Oui, bien sûr mais je voulais avant tout faire une allusion à la schizophrénie qui nous fait apercevoir des éléments que nous refusons de voir quand nous nous bornons à rester à la surface des choses, quand nous ne faisons que suivre notre Moi. Au bout du compte, le résultat en est la solitude.
N'y a-t-il pas une forme de défaitisme? En effet, on peut penser à Syd Barrett tout comme dans cette juxtaposition de la psychanalyse et de la schizophrénie-aliénation à l'égard de laquelle Freud avouait son impuissance.
C'est vrai que je voulais faire référence à la condition de Syd. En ce qui concerne le reste, je souhaitais avant tout évoquer toute une série de symptômes et d'affections mentales. Je ne suis pas certain pourtant d'être défaitiste dans ma vision…
Et quand vous vous exclamez: "Le mur était trop haut"?
C'est une attitude qui survient au moment où la personnalité du héros est envahie par ce Surmoi fasciste. Là, tout devient effectivement bien fâcheux. C'est à cet écroulement du héros que vous assistez dans "The Trial" et, à l'issue de ce titre, nous ne savons pas ce qui va rester de sa personnalité.
Cette ambiguïté impliquerait-elle alors un certain espoir?
C'est toujours ce qui perdure! J'ai écrit de façon irrégulière des petites additions à The wall et je voulais même qu'une nouvelle version soit interprétée au théâtre. J'avais deux raisons : la première était d'insuffler un peu d'humour, élément dont je trouvais le film et le disque fort dépourvus. La deuxième était que j'avais l'impression de ne pas avoir donné de véritable dénouement. Je voudrais vivre une fin qui me permettrait, enfin, de comprendre ce qu'il sen est !
Ce besoin vous est-il venu par le biais de la thérapie?
Absolument! J'ai beaucoup appris à partir du moment où j'ai fait ce travail sur moi et où je me suis demandé comment nous pouvions faire pour mettre un terme à ces névroses que nous transmettons à nos enfants.
De ce point de vue, peut-on dire que votre imagerie fait appel à la notion jungienne d'Inconscient Collectif?
Oui, d'ailleurs ce que Jung nomme Inconscient Collectif est pour moi une manière acceptable de faire référence à Dieu. Je crois aux fils conducteurs, il me semble invraisemblable d'imaginer un monde sans connexions et sans but. Si c'était le cas, il n'y aurait pas la musique, l'instrument préféré des Dieux dit-on. Elle est une façon de vivre les mathématiques de l'existence.
À cet égard, n'avez-vous pas trouvé le film quelque peu démonstratif?
Oui, les images sont trop flagrantes, elles imposent leur propre interprétation. J'ai beaucoup de respect pour Alan Parker en tant que réalisateur mais, dès le début, nous avions des visions divergentes sur The Wall. Je n'ai aimé que certains aspects du film, trop souvent j'avais l'impression qu'on me tapait sur la tête ! J'avais besoin de plus de calme, de réflexion ; je voulais avoir plus de temps pour m'identifier à ce qui se passait. La mise en scène était trop alambiquée et trop plate.
Il y a cette jolie scène où l'enfant essaie d'adopter un autre père…
Oui, "adopter" est bien le terme. Vous remarquerez qu'elle est traitée avec sobriété. C'est une chose fondamentale que de rappeler que les enfants ont besoin de parents qui s'occupent d'eux.
Ressent-on ce manque même quand on est une rock star?
Bien sûr. Ça n'a jamais cessé sauf quand je me suis intéressé aux travaux d'un américain qui a étudié la biologie du cerveau pour essayer de faire disparaître les traumatismes infantiles. Selon lui, nous voyons le monde et nous ressentons un sens du vide qui vient de notre histoire personnelle. Il estime donc qu'il faut se saisir de la mémoire que l'on en a et essayer de lui substituer d'autres souvenirs. Il s'agit alors de s'emparer d'un épisode désagréable, le garçon sur le manège guettant en vain son père, et de façonner une situation idéale dans laquelle mon père aurait été là ! Vous recréez ainsi cela dans un psychodrame ; à l'inverse du cri primal vous changez le souvenir et cela doit vous permettre d'évacuer la douleur car vous fournissez un nouveau passé. C'est une idée qui me plait bien.
Vous avez fait un lapsus en parlant d'un enfant en manque de père puis en disant "je". (Rires) À ce propos, n'avez-vous pas été embarrassé d'utiliser en permanence la narration à la première personne?
Pas vraiment… Pour moi, si l'on recherche l'amour, cela passe par la nécessité de s'exposer. Ce peut l'être sur papier ou dans une chanson mais, à mon sens, le besoin d'amour est plus important que prendre le risque de se monter nu. Je n'ai donc jamais envisagé de me cacher derrière un autre personnage, en outre je ne m'expose pas de façon si intense que cela dans The Wall! La seule chose qui soit mise réellement en avant est l'étalage de la réalité de certains sentiments.
Avez-vous délibérément choisi d'utiliser un côté kafkaïen et une atmosphère brechtienne sur "The Trial"?
C'est un pastiche qui s'intégrait tout à fait à ce que Brecht était censé évoquer: la décadence, la montée du Nazisme ! Ça m'a donné la chance de travailler en suivant cette tradition de simplicité et et de puissance évocatrice presque théâtrale reliée à la scène où figurent les Fascistes. Si vous connaissez la période vous faites le lien, et si vous ne savez pas ce qu'étaient les années 30, ça fonctionne à un niveau plus littéral.
Sur "Comfortably Numb" n'abordez-vous pas la thématique du bonheur d'être aliéné?
(Rires) Oh non! C'est totalement ironique. Il n'y a rien d'agréable à être dans les vaps! Il n'y a rien de plus terrifiant que de ne ressentir aucune souffrance ou aucune émotion. Ça explique d'ailleurs pourquoi sur The Wall il y a une scène d'auto-mutilation. Elle est née d'un besoin absolu de sentir quelque chose, d'être vivant. Voilà ce que j'exprime dans cette phrase: "Il n'y a plus de douleur et tu t'estompes.".
Ne vous êtes-vous pas, enfin, demandé si votre exposé n'était pas trop didactique? Et comment êtes-vous parvenu à éviter ce côté unidimensionnel?"
J'ai souvent pensé à ce risque et c'est pourquoi j'ai beaucoup insisté sur l'aspect non linéaire de l'histoire. En même temps, le rock and roll est une forme d'art extrêmement concise qui n'a rien à voir avec l'ambition d'écrire le "Grand Roman du 20ème siècle". Mon débit de composition a donc été assez rapide. Ceci dit, je trouve que The wallpèche parfois justement par son côté trop sérieux. Je me pardonne en me disant qu'il expose des émotions véritablement authentiques…