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The Cure


Collectif, le 09/01/2017

Faith (1981)

Tout est gris


Difficile position pour l'album Faith! Sorti en avril 1981, l'album paraît un an après Seventeen Seconds et un an avant Pornography. A posteriori, on se dit que ce pauvre album part avec quelques inconvénients. Il n'a pas la poésie désanchantée de Seventeen Seconds, ni la rage de Pornography. Il n'a pas vraiment de porte d'entrée, de titre plus accessible qu'on n'oserait qualifier de single, à la manière d'"A Forest" sur Seventeen Seconds. Et enfin, Faith ne bénéficie pas d'une entrée en matière radicale, comme Pornography avec "One hundred years". Autrement dit, Faith semble condamné à être l'album "du milieu" de la trilogie, un album entre deux chef-d'oeuvres, un album passe-plat somme toute. Pour couronner le tout, le groupe continue avec une certaine constance dans les artwork ignobles. C'est le négatif d'un prieuré dans la campagne anglaise, pour vous donner une idée des réjouissances à venir. Voyant un tel artwork, l'auditeur pense être prévenu: ça va être morne, grisâtre, déprimant comme une journée de Novembre en Angleterre.


Avec ça, si vous avez envie de lire la suite de la chronique, c'est soit que vous vous êtes lancés dans la lecture intégrale de ce dossier (et on vous en remercie), soit que vous savez déjà que Faith mérite un peu plus d'éloge.

Un trait d'union indispensable


En réalité, Faith est l'indispensable trait d'union entre le dépouillement des débuts (Seventeen Seconds) et le raffinement rageux qui clôt le cycle (Pornography). Dans ce disque d'apparence si homogène et, n'ayons pas peur des mots, morne, les surprises se dévoilent écoutes après écoutes. Des trois albums, Faith est le plus complexe et le plus délicat.


Il s'ouvre, comme Seventeen Seconds pour "A Reflection", par une chanson introduite et soutenue par la basse. Une batterie famélique vient soutenir l'ensemble, et pendant près d'une minute, on se contente de ces arpèges dépouillés.


Un synthé vient tisser un fond sonore tandis qu'enfin, la guitare rompt la monotonie. Cette piste inaugurale se mue alors en véritable chanson, comme si elle avait absorbé l'introduction qui était laissée à part sur Seventeen Seconds. Ce titre résume assez bien l'album à lui seul: la basse comme colonne vertébrale, des couches et des couches de guitares qui se superposent et la voix de Robert Smith qui semble se noyer au milieu. "Primary" surgit alors, comme un parfait décalage de "Play for today". Sauf que cette fois, la mélodie n'est pas primodiale. Les Cure continuent de dessiner les contours de la cold-wave avec ce morceau pour le moins rugueux. Emmenée pied au plancher, il n'a en fait pas de guitare: Smith et Gallup jouent tous deux de la basse, qui sont passées dans des pédales.


La réminiscence de Seventeen Seconds joue aussi à plein sur "Doubt", quelques pistes plus loin. Les guitares sont de retour cette fois et la rythmique est nerveuse. Finalement, le titre annonce plutôt la rage qui porte Pornography. Face à la dépression qui l'englue, Smith relève la tête et tente un premier cri. Il débite son texte, littéralement habité, comme une déclaration de guerre ("Fury drives my vicious blows/I see you fall but still I strike you"). Comme souvent, l'amour est un concept compliqué chez Robert Smith, qui cette fois se transforme en meurtrier ("I stop and kneel beside you/Knowing I'll murder you again tonight"), peut-être pour figurer la petite mort?

Chronique d'une dépression


Les deux titres évoqués plus haut, "Primary" et "Doubt", ne sont pas vraiment représentatifs de la couleur sonore de l'album. En réalité, ce sont plutôt les sursauts d'un album qui s'enfonce par ailleurs dans les couches de réverbération comme les musiciens dans la dépression.


Faith est écrit peu après la mort de la mère de Lol Tolhurst des suites d'un cancer, survenue au même moment que le décès de la grand-mère de Robert Smith. La présence de la mort agit doublement: dans un premier temps, le climat morose nourrit l'album de sonorités angoissantes. Puis le groupe est amené à ruminer des pensées morbides, probablement aidés en cela par leur consommation de drogues. Enfin, l'atmosphère religieuse propre aux enterrements imprègne tout le disque, notamment pour la fin de "The Holy hour".


Ainsi, Faith aspire peu à peu l'auditeur dans ses titres remarquablement semblables, ce qui le rend difficile d'accès. Tout repose sur la basse de Gallup bien plus que sur la batterie de Tolhurst. La voix de Smith est amplement travaillée pour disparaître progressivement, noyée sous la réverbération. Faith, ou les chroniques de la dépression.


Si le début de l'album possède encore un certain rythme ("Primary", "Other voices") possède encore un certain rythme, celui-ci se dilue progressivement. Les claviers de "All cats are grey" nous emmènent dans des contrées abandonnées, bien au-delà de la main secourable de nos semblables ("No shapes sail on the dark deep lakes/And no flags wave me home"). "The Funeral Party" est un hommage encore plus net aux musiques d'enterrement avec sa rythmique lente et ses claviers en mineur. A ce stade de l'album, la musique se fait brumeuse, distance comme la voix de Smith, incertaine ("Fading/Lifeless").


Après le sursaut de "Doubt", le chef-d'oeuvre de l'album survient. Le titre suivant, "The Drowning man", synthétise parfaitement les angoisses qui montent progressivement au fur et à mesure des pistes. Cette anxiété est amorcée par la rythmique lente, qui donne un sentiment de cycle. Puis la guitare se rajoute pour tisser une brume de plus en plus épaisse et pourtant insaisissable. Lorsque Smith prend la parole pour relater la noyade d'une jeune femme, il n'y a plus de doute. C'est l'angoisse de la mort que Smith décrit, l'impossibilité du deuil, l'impuissance qui crucifie ceux qui restent du côté des vivants ("I would have left the world all bleeding/Could I only help/The fleeting shapes/So many years ago"). Comme dans "A Forest" sur Seventeen Seconds, la figure féminine incarne l'inconscient du chanteur qui décrit là finalement sa propre disparition. The Drowning Man, c'est Robert Smith lui-même, pris d'assaut par une dépression qui l'emporte lentement dans sa noirceur.


Ce n'est certainement pas le titre suivant, malgré son nom, "Faith", qui va nous remonter le moral. Cette fois, Robert Smith part à la dérive et nous appelle à l'aide ("I'm losing hold/I can't just carry on this way"). Face à la détresse, la voix de Smith semble de plus en plus lointaine, la batterie se réduit progressivement à son minimum, même la basse pourtant indispensable s'évanouit: "I went alone/With nothing left/But faith". On quitte donc l'album sur une phrase positive, tout du moins tournée vers des lendemains meilleurs.


Comme nous le verrons par la suite, Pornography ne s'ouvre pas vraiment dans la lignée de la fin de Faith. Que de chemin parcouru depuis Seventeen Seconds, il y a seulement un an ! Il est d'usage de résumer Seventeen Seconds à un album "blanc", Faith à un album "gris" et Pornography à un album "noir". Cela semble nettement galvaudé, sauf pour le gris de Faith. Tout est gris, délavé et pourtant riche, complexe. Le gris de Faith n'ennuie pas, bien au contraire: il nous fait voyager dans des contrées esseulées, des paysages dévastés. S'il est un album pour résumer ce qu'est la cold-wave, c'est bien celui-ci. Cela mérite donc un peu de respect, en tout cas un peu plus que pour l'éternel album "du milieu".


 Raphaëlle

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Commentaires
patroc, le 05/05/2017 à 17:40
Le groupe que j'ai vu le plus de fois en concert (6) et mon 1er concert aussi. Presque une vie! Un très grand groupe et un leader aussi simple qu'ultra charismatique. Un chef d'oeuvre (desintegration) et des albums tous différents (The head on the door, pornography pour mon triplé personnel..
patroc, le 05/05/2017 à 17:29
Desintegration. Comment dire? Un chef d'oeuvre, non?
lolo05, le 27/02/2017 à 17:56
Bonjour, J'étais à Lyon deux jours plus tard à la Halle Tony Garnier. Vous résumez parfaitement les concerts de The Cure ... Dantesques !!!! Avec une passion et une émotion qui vous prend les tripes. Ces types sont des très très très grands ... Robert est est génie .... et d'une humilité à prendre en exemple. Trois heures de concert aussi, les musiciens étaient juste heureux d'être là, de jouer et de partager. Je les ai vu aux Eurockéennes de Belfort en 2012 ... idem.. trois heures de communion totale avec la foule... Un groupe rare et précieux.