
Folk n' Rock
- Introduction
- Beck : Sea Change
- Johnny Cash : Unearthed
- Master Of Reality : Give Us Barabbas
- Mark Lanegan : Bubblegum
- Bob Dylan : The Bootleg Series Vol. 7: No Direction Home: The Soundtrack
- Black Rebel Motorcycle Club : Howl
- Sibylle Baier : Colour Green
- The Decemberists : The Crane Wife
- Wilco - Sky Blue Sky
- Bon Iver : For Emma, Forever Ago
- Iron & Wine : The Shepherd's Dog
- Syd Matters : Ghost days
- She & Him : Volume One
- Shearwater : Rook
- Fleet Foxes : Fleet Foxes
- Mumford & Sons : Sigh No More
- Rome : Nos Chants Perdus
- Junip : Fields
- The Tallest Man On Earth : There's No Leaving Now
- Calexico : Algiers
- Sun Kil Moon : Benji
- Sufjan Stevens : Carrie & Lowell
Iron & Wine : The Shepherd's Dog
Septembre 2007

Impossible d’aborder la folk des années 2000 sans citer au moins une fois Samuel Beam et son projet de fer et de vin. Plutôt que de palabrer sur les très profonds mais aussi très arides deux premiers albums - dans le genre lo-fi analogique enregistrés en cuisine entre les omelettes au maïs et les pancakes, on fait difficilement mieux - attardons-nous sur LE disque majeur d’Iron & Wine, son fleuron et, osons le dire, son chef d’oeuvre : un chien de berger certes outrageusement criard sur la couverture, mais non moins bouleversant.
La première grande idée de Beam a été de s’extraire enfin de l’enregistrement bas de gamme pour venir flatter l’oreille grâce à une production solide : on a pu enfin apprécier comme il se devait le jeu de pinces précis et tortueux du guitariste, tout comme son timbre feutré qui confère à ses chansons une incomparable chaleur humaine. Deuxième coup de maître : sortir du sacro-saint guitare-voix pour s’orienter vers une musique plus touffue et fournie, plus éclectique aussi, en allant rameuter un orchestre particulièrement talentueux qui s’est très vite mis au diapason de son meneur. Et de fait, quelle bonne idée d’avoir été débaucher la colonne vertébrale de Calexico (Joey Burns et Paul Niehaus) ou encore Matt Lux et Rob Burger ! Tandis qu'Iron & Wine passait du projet solo au groupe de scène, Beam entrait en osmose avec ses musiciens pour en distiller toutes les influences respectives en allant toucher notamment à la world music ou au jazz. Mais le point clé dans la réussite de The Shepherd’s Dog est que cet album réalise le trait d’union parfait entre la folk solitaire des siècles passés et la pop indie la plus contemporaine, aboutissant ainsi à un disque intemporel, sans âge, tout aussi classique que dans l’air du temps, simple d’accès mais d’une profondeur quasi-inégalable : la marque des meilleurs.
On préfèrera oublier que le magnifique slow "Flightless Bird, American Mouth" a été choisi par Kristen Stewart elle-même pour illustrer le premier baiser de Bella et Edward dans Twilight : après tout, les meilleures chansons peuvent elles aussi illustrer les pires navets. Ce morceau très classique conclue un album d’une richesse fabuleuse au sein duquel chaque titre possède de multiples degrés d’écoute, mariant ici choeurs chatoyant, jeu de guitare oriental, violoncelles et mandolines ("Pagan Angel and a Borrowed Car"), superposant là cithare indien, six cordes acide et bourdons de cornemuse ("White Tooth Man") ou osant la superposition folk-vocoder sur fond de moog minimaliste ("Carousel") ou l’americana expressif désaccordé ("House by the Sea"). Mais tout n’est pas qu’effet de style, car le plus gros talent de Beam, outre celui d’oser les arrangements les plus improbables et de s’entourer des meilleurs musiciens, est de tisser des chansons incomparablement touchantes. On pensera bien sûr au sublime "Boy with a Coin" flanqué de son arpège magnétique, à la superbe balade voix-banjo "Resurrection Fern" ou au sec et claqué "Wolves" et à sa wah-wah jazzy partant dans des délires joyeusement barrés.
L’exploration de ce Shepherd’s Dog semble ne jamais devoir s’achever, preuve de son incroyable matière mise au service d’une justesse de ton à toute épreuve. Et ne nous y trompons pas : tout est toujours question de juste dosage. La preuve ? Si les B-Sides Around The Well offrent un bel hommage aux trois premiers albums du barbu le plus gentil de la scène indé US, l’essai folk-électro Kiss Each Other Clean se révèle en regard un loupé retentissant. Espérons que ce faux pas reste isolé et que Beam garde en mémoire la subtile alchimie du chien de berger pour nous régaler encore dans les années à venir.
Nicolas
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